Bonjour. Je m'appelle C. et je suis une femme. Eh oui ! L'alcool touche aussi les femmes, bien que nous soyons moins nombreuses que les hommes. Mon histoire a commencé alors que j'étais médecin anesthésiste, mariée. Nous avions une petite fille. A la suite de graves problèmes de santé de mon mari et de mon père et à cause de ma vie professionnelle stressante, j'étais déprimée. On m'a prescrit des antidépresseurs.
Un soir, en rentrant, j'ai voulu prendre un petit remontant et j'ai pris un porto. Mon mari ne boit pas ; ce n'est donc pas lui que j'ai copié. Mais voilà, de soir en soir, subrepticement, « l'aide » ponctuelle est devenue habitude. Je suis passée à une consommation régulière d'alcool, oh, non pas que j'y prenais du plaisir (certains oui, mais pas moi), mais parce que je devenais dépendante. J'ai augmenté les quantités, petit à petit. J'étais toujours sous antidépresseurs et en tant que médecin, j'étais très au courant et très consciente du risque que je prenais en buvant de l'alcool. Mais face à quelque chose de plus fort que soi, aucune raison ne tient.
Je me suis mise à boire même à midi et même des alccols forts (whisky...). Avec le recul, je me rends compte de l'importance d'avoir une vie équilibrée. Veillez à votre hygiène de vie : loisir, détente, amitiés, sport, rires entre amis, sommeil... au lieu de vous "défoncer" le samedi soir pour évacuer le stress ! On a l'impression à tort qu'il faut de l'alcool pour faire la fête. L'alcool nous désinhibe ; on a l'impression qu'on a plus de confiance en soi, qu'on est plus fort, plus léger. En réalité, on veut toujours être mieux ; on ne s'accepte pas ; on n'accepte pas nos limites.
Au bout de quelques temps, je me disais le matin : « aujourd'hui, c'est fini, tu ne boiras pas », mais l'alcool était plus fort que moi. Je ressentais l'état de manque. Je n'étais bien que quand j'avais bu un verre. C'est une vraie drogue, drogue dangereuse car facile à se procurer. Il n'y avait jamais d'alcool chez moi ; personne n'aurait pu se douter... Mais c'était plus fort que moi : j'allais à l'épicerie du quartier et je m'achetais une petite bouteille que je buvais en partie. Le reste, je le vidais.
Paradoxalement, je n'ai jamais accepté de boire. Certains le font avec goût. Moi je vomissais souvent après une prise d'alcool, parce que je n'aime pas le goût et parce que je ne voulais pas boire. Je voulais m'en sortir. Mais c'était plus fort que moi. Certains sont dépendants sans être conscients d'eux-mêmes. Moi non ; j'étais très lucide sur le fait de faire souffrir ma famille et ça renforçait ma douleur et mon mal-être. Je pleurais, je disais que je ne recommencerais plus, mais je n'y arrivais pas.
Au bout de 3-4 ans d'horreur, j'ai demandé à mon généraliste : « proposez-moi n'importe quoi, mais je veux sortir de là ». J'étais à bout. Il m'a envoyé dans un centre de désintoxication. Là, le sevrage a pu se faire. Sans ce milieu protégé, ce n'est pas possible. J'y suis restée un mois.
Pendant ce séjour, j'ai eu une voisine de chambre qui connaissait une association d'aide aux alcooliques, la croix bleue. Cette amie m'a dit avant que je ne sorte : « Attention ! Surtout, ne t'arrête pas en si bon chemin, sinon tu vas replonger. Vas dans une association ». J'y suis allée et j'ai vu que mon amie avait raison.
Je suis allée à toutes les rencontres de la croix bleue. Je m'y suis fait des amis. Quand on boit, on a un sentiment profond de solitude. C'est très réconfortant de voir qu'on peut encore avoir des amis. J'ai suivi en plus une thérapie individuelle de soutien. Depuis, je suis délivrée de l'alcool. Je n'en bois plus une goutte, même si, quand j'invite des amis chez moi, je sors des "apéro" et du vin (d'autres personnes guéries préfèrent sortir des jus de fruits).
N'importe qui est à la merci de l'alcool. Ce n'est pas le niveau social qui joue. C'est un piège parce que c'est insidieux, ça arrive sans qu'on s'en rende compte. Et c'est facile d'y tomber : c'est socialement accepté de boire (trop même). Un conseil : limitez-vous à un verre quand vous sortez ! N'acceptez pas de vous resservir ; prenez des jus de fruits à la place. Ne suivez pas les "mauvais" copains.
Brève présentation de la Croix Bleue |
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Comme de nombreuses autres associations, la croix bleue aide et lutte contre l'alcoolisme. Créée, comme la croix rouge, par un chrétien Suisse du XIX ème siècle qui voulait aider ses contemporains, l'association a démarré en France très rapidement. Elle est constituée essentiellement de bénévoles (personnes ayant eu des difficultés avec l'alcool ou conjoints), et est aidée par des professionnels (médecins, psychologues, infirmières...). Ses buts sont la prévention et la guérison de l'alcoolisme, s'appuyant sur sa longue expérience et la disponibilité des membres actifs.
L'association est présente dans toute la France, avec des groupes régionaux et des sections locales (plus de 92 groupes locaux). Ils organisent des activités et des permanences : permanences téléphoniques, rencontres mensuelles, week-ends de détente... La croix bleue propose aussi des congrès régionaux et nationaux, édite un périodique « le libérateur » et dispose de 4 centres de postcure (3 pour hommes –Ardèche, Bas-Rhin, Morbihan- et 1 pour femmes- Pas de Calais). Ces lieux de séjour offrent un accompagnement sur trois mois, pour la convalescence après traitement, c'est-à-dire l'adaptation de l'organisme et du psychisme à la rupture de l'alcool, la reprise de la vie, avec la relation à soi et aux autres.
La spécificité de la croix bleue est qu'elle croit à la guérison de la personne qui a un problème avec l'alcool. Elle croit que tout alcoolique conserve un potentiel de vie qui peut lui permettre de se mettre en marche vers une autre vie. Elle croit aussi à l'aide et à la guérison de Dieu, tout en étant largement ouverte à toute personne. L'amour, l'acceptation, l'amitié, l'accueil et l'espérance sont ses valeurs de fondement qui permettent à la personne alcoolique de trouver de vrais amis et d'être écoutée, entourée. L'alcoolique ne peut s'en sortir seul. Les rechutes sont très nombreuses après traitement. C'est pourquoi la croix bleue offre à la personne qui veut s'en sortir un lieu de soutien et de dialogue, des relations qui vont lui permettre de repartir sereinement dans la vie, sur lesquelles il pourra s'appuyer. Une autre de ses spécificités est qu'elle propose un engagement renouvelable, écrit, de non consommation absolue d'alcool, de durée déterminée. Ceci aide grandement à tourner la page par rapport à l'alcool.
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